Ce soir, elle n'a pas vu Rhys. Rien d'étonnant à cela puisque la jeune femme avait préalablement demandé à Sierra si le beau Williams était présent ce soir. C'est ici qu'elle l'a rencontré. Ici qu'elle ait tombé sous le charme de cette homme si particulier. Chaque fois qu'elle vient dans ce bar elle ne peut s'empêcher de penser à lui. De penser à cet amour impossible, cette relation déchirante. Habituellement, elle espère le voir ici, attablé au coin de la pièce la regardant avec envie. Mais plus désormais... Plus maintenant qu'elle tente de mettre fin à cette histoire. Elle l’évite, l’ignore, met tout en œuvre pour ne plus le croiser, pour ne pas être confrontée à sa colère, à son incompréhension. Il tente pourtant de la joindre, de la voir mais elle lutte et tient bon. Elle ne veut pas céder. Elle ne doit pas céder. Elle sent pourtant une légère tristesse s’emparer d’elle de savoir qu’il n’est pas là. Tout n’est que contradiction et confusion. Perdue. Déboussolée. Son cœur cri au manque tandis que sa raison lui dit de ne pas laisser la tentation l’emporter. Elle sait ce qui est juste mais cette justice n’est que souffrance. Condamnée à quitter l’homme qu’elle aime pour ne plus être cette femme qui dégoûte, cette femme qu’on rejette. Elle ne se reconnait plus. Jamais auparavant elle n’aurait cru devenir la maîtresse d’un homme. Jamais elle n’aurait pensé être l’image de la trahison, de la tromperie. Mais maintenant qu’elle est prise au piège, coincée dans la toile de cet homme au charme unique, elle ne sait plus quoi penser. C’est mauvais et pourtant si attirant. Cela la tue autant que ça la rend vivante. Paradoxe complexe dont elle ne sait s’échapper. Alors instinctivement elle s’assoit dans le fond de la salle à cette place qu’il occupe habituellement mais qui est vide ce soir. Le froid de son absence lui met un coup au cœur. Désespérée elle commande un verre. Puis un autre. Et encore un autre. Elle les enchaine à une allure folle, les descend sans même prendre le temps de déguster ces saveurs si particulières. Mais elle s’en fiche… Elle se fiche de tout désormais. Elle se noie dans l’alcool espérant alors qu’il fera l’effet escompté. Priant pour que le temps d’un instant elle oublie la peine qui l’étreint. Elle ne veut plus penser à rien et encore moins à lui. Doucement, elle sent sa tête qui commence à tourner, presque heureuse de sentir l’alcool faire son effet. Le bar s’est vidé sans même qu’elle ne s’en rende compte. C’est en voyant Sierra s’approcher d’elle qu’elle le réalise enfin. « Le bon sens voudrait que je te préconise d'arrêter de boire jusqu'à demain mais... Le clown qui siège en haut a dû m'oublier au moment de faire la distribution de bon sens... » La jeune Thompson échappe un rire à cette remarque, tout en saisissant le verre offert par la jolie blonde. « Quelque chose te tracasse Juliet ? » Elle soupire, tout en fixant le liquide ambré qu’elle fait tournoyer dans son verre. « A part le fait que je sois amoureuse d’un homme marié tu veux dire ? Non tout va bien, ma vie est géniale… Un vrai conte de fée ! » lâche-t-elle un peu ronchon alors qu’elle boit une gorgée de cet alcool qui lui brûle la gorge. « Pourquoi moi Sierra ? Franchement… Il fallait que ça tombe sur moi. Je suis vouée à désirer un homme que je n’aurai jamais. Tout ça, ça n’a pas de sens… » Elle se libère de ce poids bien trop lourd pour ses épaules. Elle exprime cette colère, cette peine, poussée par l’effet libérateur des verres ingurgités. Elle doit probablement avoir l’air pitoyable, avachie sur cette chaise à pleurnicher comme une enfant. Pourtant, elle s’en fiche… Parce que se confesser lui fait du bien et ce malgré le foutoir de cette vie qui devient de plus en plus pesante. Une vie faite d’erreurs, de regrets et de sacrifices… Elle pense à Rhys mais aussi à Maxime. Son cœur se serre en se remémorant ce frère abandonné bien trop tôt, à ces promesses envolées, à ce rôle qu’elle n’a pas su tenir… D’une traite elle termine le verre qu’elle tient fermement dans ses mains, déterminée à faire taire cette voix qui lui rappelle tout ce qu’elle n’a pas su faire. Laissez-moi oublier…