De la pure folie, voilà ce qu’ont été ces quinze jours. Je savais en partant que j’allais vivre un truc de dingue, parce que la musique c’est ma came, c’est ce qui m’anime. Ça et les nanas, j’avoue. Alors quand j’ai eu cette opportunité de suivre d’autres musiciens en studio et de bosser avec eux, il ne m’a pas fallu trop de temps de réflexion pour accepter. Il était initialement prévu que je reste une semaine mais à l’idée de rester un peu plus longtemps une fois encore je n’ai pas pu refuser. Je crois que ça tombait au bon moment en fait… j’avais besoin de partir, quitter un peu San Francisco, mes potes, ma routine. Et maintenant que je suis de retour je sais au moins une chose, c’est que définitivement je veux pouvoir vivre de ma musique. Je me suis moi-même mis des bâtons dans les roues en préférant la fête et les excès plutôt que d’être sérieux durant mes études, mais j’espère que ma détermination saura nourrir mon ambition. Ces deux semaines étaient un peu comme une réalité parallèle quand je les ai vécu et pourtant je sens qu’elles ont marqués un tournant dans ma vie. Il ne tient qu’à moi de ne pas encore une fois tout foirer. Mais pour le moment je retrouve ma ville, mon appartement et malgré tout j’ai plaisir à être de retour. Finalement ce qui m’a manqué le plus pendant ces quinze jours c’est mon entourage, les gens qui comptent pour moi. En tête de la liste il y a bien évidemment Marlee, ce en dépit de notre violent accrochage il y a quelques semaines. J’ai toujours aussi peur pour notre amitié, parce que les limites franchies, les blessures causées par les mots que j’ai prononcé on laissé des cicatrices indélébiles. Je préfère de ne pas y penser, nous avons décidé de passer au dessus parce qu’on a plus besoin l’un de l’autre qu’on veut bien l’avouer.
Ce n’est pas un hasard si rentré depuis quelques heures à peine je décide de rendre visite à ma meilleure amie. Elle m’a manqué cette peste, je peux au moins me l’avouer à moi-même. Empruntant ce chemin que j’ai fais des milliers de fois je me rends à son adresse, sourire aux lèvres et une clope allumée, évidemment. Je fais le code et monte les escaliers jusqu’à son étage. J’ai aucune idée de si elle est là ou pas, je l’ai pas appelé ni envoyé un message pour prévenir de ma visite. J’aurais peut-être dû ? J’admets que depuis l’autre matin, où je l’ai trouvé en compagnie de ce connard de Drew, j’appréhende un peu de me pointer à l’improviste alors qu’avant je m’en étais toujours foutu. J’ai peur de voir encore ressortir le pire de moi-même de me transformer à nouveau en ce monstre d’égoïsme que j’ai pu être quand j’ai totalement vriller la dernière fois. Je m’en veux encore bien que j’essaye d’oublier… je ne crois pas y parvenir un jour. Je frappe à la porte, assez fort pour qu’elle entende même si elle est à l’autre bout de l’appart ou occupée. Avant j’aurais essayé d’ouvrir, ne serait-ce que pour savoir si Marlee avait encore laissé sa putain de porte ouverte ou pas. Mais là non, je reste sagement sur le palier et attends docilement qu’elle vienne m’ouvrir. J’entends des pas, la porte qui se déverrouille et je ressens une pointe de stress. Elle a peut-être pas envie de me voir. Pendant mon absence elle peut avoir réalisé qu’elle connard je suis pour lui avoir parler comme à un chien lors de notre dispute. Je crains que Marlee ai ouvert les yeux sur ma vraie nature. Parce que pour avoir agit de cette façon, c’est bien que je suis un sale type, non ? La porte s’ouvre sur elle et je souris, je suis vraiment content de la voir « Salut sale gosse. » dis-je en renouant avec mes habitudes « J’espère que t’as du temps et des bières au frais parce que j’ai une blinde de trucs à te raconter ! ». J’entre sans vraiment attendre de réponse et fais comme chez moi, comme ça a toujours été le cas. On dirait que finalement mes marques reviennent assez vite.

Dimanche après-midi. Et comme tous les dimanches après-midi, celui-ci n'avait pas dérogé à la règle. Je m'étais levée seulement quelques heures auparavant et m'étais laissée traîner, toute la journée, en culotte et tee-shirt, déambulant dans mon appartement, franchissant chaque pièce avec une lassitude inimaginable, passant de la cuisine au canapé, m'hydratant seulement d'un nombre incalculable de mauvais café trop dilué.  Je subissais ce long week-end qui avait eu le don de m'épuiser. Je venais de trouver une place comme serveuse dans un bar du coin, situation déplorable l'oblige, le petit commerce de cannabis et autres cachetons que mon frère avait monté n'était plus réellement d'actualité. Nate m'avait annoncé dernièrement que les services que je lui rendais en vendant de la coke à certaines personnes du quartier et qui me servaient à payer le loyer devaient cesser et qu'il ne reviendrait pas sur San Francisco avant un bon moment. Un mois, un mois qu'il n'avait pas franchis les portes de cet appartement, me laissant seule un peu comme abandonnée, un loyer à payer et sans aucune rentrée d'argent.
Mais l'argent n'était pas le premier de mes soucis. Où était-il passé ? Ça, Nate avait oublié de le mentionner dans le message vocal qu'il m'avait laissé. La seule chose qu'il avait bien voulu laisser entendre c'est qu'il allait bien et qu'il ne fallait pas que je m'inquiète. Facile à dire me diriez-vous, mais il était bien évident que je m'inquiète pour lui. Nate n'était pas le genre de gars à déserter un mois, et s'il n'était pas revenu depuis tout ce temps, c'est que forcément il s'était encore enfoui dans une merde improbable. Dans son message, même si le ton de sa voix se voulait des plus rassurant, je savais que quelque chose clochait. Nate avait toujours eu tendance à m'éloigner de ses problèmes pour me préserver, mais cette réputation lui collait à la peau. Il faisait partie de ce genre de gars, comme un aimant à problèmes, qui a le don de se foutre dans des situations plus compliquées les unes que les autres, mais qui à la fin arrive toujours a y mettre un terme. Mais cette fois-ci, bizarrement, j'avais su déceler dans sa voix comme une pointe d'inquiétude, inquiétude qu'il m'avait transmise au travers de son discours.

La journée était longue et placée sous le signe de l'ennuie. Un joint à la main et le corps recroquevillé sur le rebord de la fenêtre, je regardais la pluie tomber dehors tandis que la musique résonnait dans mon appartement. Mon humeur était maussade et tendait à s'accorder avec cette ambiance générale qui régnait sur San Francisco les jours de pluie. J'observais, perchée sur le rebord de ma fenêtre les rues vides et les quelques courageux passant armés de leur parapluie noirs tentant de se faufiler entre les gouttes de pluies. San Francisco avait perdu un peu de ses couleurs depuis que Trump était passé au gouvernement et dans cette ville où je m'étais toujours sentie à l'aise, je commençais à me questionner sur ma place. Sûrement l'effet de cette douce herbe que j'appréciais tellement, mélangé à ma fatigue générale.

Je portais la tasse à mes lèvres, alternant entre gorgée de café et consommation de cannabis lorsqu'un bruit de violent coup sur ma porte d'entrée vint me sortir de mes pensées. D'un geste je déposais la tasse sur le rebord de la fenêtre, coinçais le joint entre le creux de mes lèvres puis me dirigea rapidement dans ma chambre ou j'attrapais le premier pantalon qui me venait sous la main. J'enfilais une jambe, l'autre, pour enfin me diriger vers la porte tout en remontant le pantalon le long de mes cuisses. Une main tentant de refermer le bouton de mon pantalon, l'autre posée sur la poignée, je déverrouillais le verrou tout en passant, de manière rapide, une main dans mes cheveux afin d'essayer de les dresser.

Jonah.
Il était là, dressé devant moi. Je n'avais eu aucune nouvelles de lui depuis deux semaines. Mes yeux bleus s'écarquillèrent tandis que j'ouvrais la porte afin de le laisser rentrer dans l'appartement ma main bataillant toujours avec le bouton de mon pantalon. J'étais surprise, surprise de le voir là, posé sur le pas de ma porte un sourire aux lèvres. Je ne savais pas réellement comment réagir, mais ce qui était sûr, c'est qu'à cet instant, un léger creux venait de faire apparition dans mon ventre et un petit sourire, caché, venait d’apparaître au coin de mes lèvres. J'étais heureuse, heureuse de le revoir, mais en même temps tellement en colère contre lui et son manque de nouvelles, A croire que je ne pouvais pas simplement apprécier l'instant présent. Avec beaucoup trop de fierté pour lui montrer que le manque de nouvelles m'avait blessé, je répondis à son bonjour. « ah tiens un revenant ! » je levais les yeux au ciel tout en tirant une latte sur le joint que je tenais dans ma main puis refermais la porte derrière lui. « je pensais que tu étais mort, au fond d'une ruelle. » Puis je me laissais tomber sur le canapé ne quittant pas mon brun des yeux et baissant la musique. D'un geste de la main je lui indiquais le frigo. « les bières sont à leur place habituelle, fais comme chez toi ».

Marlee ouvre la porte et en la voyant je songe à combien elle m’a manqué. C’est vrai que c’était génial être ailleurs, faire de la musique et être entouré de gens aussi passionnés que moi, mais ma meilleure amie est un élément essentiel de ma vie. Je m’en veux toujours pour mon coup de sang et notre dispute, j’espère que le temps qui s’est écoulé a mis ça définitivement derrière nous. Elle a l’air surprise par ma présence, esquisse un léger sourire malgré tout et je rentre en faisant comme d’habitude, c’est à dire comme chez moi. J’ai vraiment hâte de lui raconter ces quinze jours de folie que j’ai passé, et justifié d’un même temps de ne pas avoir donner de nouvelles. Je crois que Marlee m’en veut un peu, si j’en crois sa petite remarque. Je la mérite, c’est pas mon genre de faire ce genre de silence radio, c’est plus celui de son frère… Elle s’affale dans le frigo et m’informe qu’il y a bien des bières au frais, je n’ai qu’à me servir ce que je ne me fais pas prier pour faire. Je rejoins ensuite la brunette, m’asseyant à côté d’elle tout en lui tendant une bouteille bien fraiche « Alors quoi de beau sous ton so… » je regarde par la fenêtre et fais une moue « Ok c’est raté pour le soleil. Comment tu vas ? » je bois une gorgée d’alcool puis lui pique son join pour tirer dessus « T’as fatiguée ou t’as juste tisée comme une folle aujourd’hui ? » lui demandais-je avec un sourire en coin. Je la connais par cœur, je sais qu’elle n’a pas dû y aller doucement sur la fumette. Je ne suis pas un modèle c’est vrai, mais Marlee consomme bien plus que moi. Encore une raison supplémentaire de m’inquiéter pour elle.
J’ai comme l’impression que la brune n’est pas d’un enthousiasme fou, je tombe peut-être mal ? Elle attend quelqu’un ? J’avoue que je redoute un peu de croiser un de ces types avec qui elle passe… du temps. Mais bon comme elle ne m’a pas foutu dehors je vais pouvoir lui raconter ces moments fous que j’ai vécu pendant mon absence. « J’ai passé quinze jours de folie ! » dis-je en guise d’introduction « Ils ont un studio d’enregistrement de malade… et c’était tellement génial. Du matin jusqu’au soir… musique non stop. J’ai tellement pas vu le temps passer. » je lui souris mais fronce aussitôt les sourcils. Moi qui pensait que Marlee allait être contente que je lui raconte combien je me suis éclater, j’ai plus l’impression de la faire chier qu’autre chose et ce malgré son effort pour tenter de ne rien laisser paraître. « Y’a un truc qui va pas ? T’as l’air bizarre… » j’arque un sourcil en la fixant. Je ne suis quand même pas devenu un inconnu pour elle en si peu de temps, si ? J’ai oublié un truc ? Pourtant c’est pas encore son anniversaire. Ou alors ce que je craignais est en train de se passer, ma meilleure amie a ouvert les yeux sur le connard que je peux être, que j’ai été avec elle l’autre fois. Je détourne le regard et soupire « Tu m’en veux toujours pour… » je hausse les épaules, c’est tellement un truc que je voudrais foutre derrière nous que j’ai du mal à prononcer ses mots « … l’autre fois ? Notre prise de tête. ». J’attends juste de Marlee qu’elle soit honnête et que si elle m’en veut elle me le dise. Ça me fera mal, mais en même temps je pourrais le comprendre.