Je serai toujours là pour toi

Rhys & Erwan

Aujourd'hui, je ne travaillais pas. C'était assez exceptionnel pour être souligné. J'avais fermé mon cabinet pour la journée. Jeremy était de service depuis neuf heures ce matin jusqu'à vingt-deux heures environ. Il avait des horaires de fou en ce moment. Moi, ça m'arrangeait, parce qu'ainsi on ne passait pas beaucoup de temps ensemble, la plupart du temps, quand il rentrait, j'étais couché et je dormais ou, tout du moins, je prétendais dormir. Quand je repensais au début de notre relation, une immense tristesse s'emparait de moi. Tout était si parfait à l'époque, il était si attentionné, si amoureux, j'en étais vraiment dingue, j'aurai fait n'importe quoi pour lui et puis soudain, tout changea. J'ai beau essayer de comprendre comment les choses ont pu se dégrader à ce point, comment j'ai pu en arriver à être effrayé par l'homme que j'aimais plus que tout, mais je ne trouve pas de raison valable. C'est vrai, la première fois qu'il m'a frappé il y a trois mois, c'était un coup de poing dans le ventre suite à une dispute arrivée après que j'ai cassé involontairement un vase qui lui venait de sa mère. Non, mais sincèrement, vous ne pensez pas que le châtiment était un peu excessif par rapport à la faute ? Lorsqu'il m'avait vu au sol, le fixant d'un regard effrayé, il m'avait aidé à me relever et s'était confondu en excuse, jurant qu'il ne savait pas ce qui lui avait pris, il m'avait même demandé de le frapper à mon tour pour que ce soit "équitable". Il semblait si perdu que j'ai pris ça pour accident de parcours, cela pouvait arriver. Je lui ai donc pardonné, mais quelques jours plus tard, il avait recommencé, s'en prenant à mon dos cette fois-ci, avec sa ceinture. Sérieusement, je me sentais dans la peau d'un gamin se faisant frapper par son père dans une mauvaise série télé.

Aujourd'hui, cela fait trois mois que je vis ce calvaire. Dès que quelque chose n'a pas été dans son boulot, il s'en prend à moi, dès que je parle un peu trop longtemps avec un autre homme, j'ai également droit aux coups et peu importe s'il s'agit d'un de mes clients. Lorsque Jeremy frappe, ce n'est jamais au visage, toujours le dos et parfois les jambes. Aucun endroit qui puisse se voir. J'en viens souhaiter que nous ayons toujours du monde autour de nous parce que dans ces moments-là, il redevient le Jeremy que j'ai connu, celui dont je suis tombé amoureux. C'est tellement cruel pour moi de réaliser que ce n'est qu'une façade. Alors moi aussi devant mes amis, devant nos amis je mets un masque, oui, je prétends que tout va bien, que je suis heureux, alors que la seule chose dont j'ai envie c'est de hurler ma peine et ma douleur auprès d'eux. Même Rhys, même mon petit frère ne sait rien. Rhys j'ai été son babysitter puis son ami et maintenant il est le petit frère que je n'ai jamais eu. Je lui dit absolument tout, sauf ce que me fait vivre Jeremy. Ce n'est pas que je n'ai pas confiance en Rhys, non, c'est tout le contraire, c'est juste que, au début j'avais trop honte, ensuite, le mois dernier, il a perdu sa mère, donc je devais être là pour lui et pas l'ennuyer avec mes problèmes et maintenant...maintenant je ne trouve jamais la bonne occasion pour lui parler, c'est tout.

Assit sur mon canapé, une tasse de café dans les mains et la tête de mon berger allemand sur les genoux, je regarde tranquillement une rediffusion de Harry Potter lorsqu'on sonne à la porte. Mon chien se met à aboyer naturellement.

- Roucky, tais-toi !

Quoi ? Oui, j'adore les Disney. Je me lève de mon canapé et vais ouvrir la porte. Un grand sourire se dessine sur mon visage lorsque je vois qui est mon visiteur.

- Rhys. Tu plaisantes, de nous deux c'est toi la marmotte je te rappelles, pas moi.

Il me serre dans ses bras et je lui rends son étreinte. Il entre ensuite dans la maison, il est comme chez lui ici, je le lui ai toujours dit. Roucky vient lui faire la fête. Mon chien est très sociable, surtout avec les gens qu'il aime bien. J'eus un petit rire lorsqu'il me désigna en tant que petit morveux.

- Petit morveux, rien que ça ? Tiens, regarde, Roucky est content de te voir...et moi aussi hein.

Je débarrasse un peu la table basse et éteins la télévision puis je me tourne vers mon ami.

- J'allais me resservir une tasse de café, tu en veux ?

J'avais esquissé une petite grimace lorsque Rhys m'avait serré dans ses bras, Jeremy avait eu la main un peu lourde hier soir, mais normalement Rhys n'a rien dû voir.

Je serai toujours là pour toi

Rhys & Erwan

Le fait de voir Rhys devant ma porte m'avait vraiment fait plaisir. Je l'aimais beaucoup et puis il était un des seuls hommes que je pouvais recevoir à la maison sans que Jeremy ne me fasse une scène lorsque nous ne serons que tous les deux. Certes à l'heure actuelle il n'est pas là, mais rien ne me dit qu'il ne va pas téléphoner juste pour voir si "tout va bien" ou autre excuse bidon de ce genre. Avec lui, je m'attends à tout et c'est bien cela qui me fait peur, je fini par ne plus le connaître, ne plus savoir de quoi il est capable. Vous ne pouvez pas savoir à quel point cela peut être dérangeant de vivre en compagnie de quelqu'un que vous connaissiez sur le bout des doigts, mais dont, maintenant, vous ne pouvez plus prévoir les réactions. Lorsque Rhys me reprocha mon côté "casanier", je lui tirais la langue de façon très mâture.

- Et oui que veux-tu, c'est l'âge...je commence à me faire vieux.

Je n'ai que onze ans de plus que lui et bien sûr ce n'était qu'une boutade. A une époque, nous sortions très souvent avec Jeremy, de véritables oiseaux de nuit. Seulement ça aussi c'est terminé. Oh ce n'est pas qu'il ne veut pas, non, là c'est moi qui ne veut pas, parce que si pendant notre sortie tout se passe bien, c'est au retour à la maison que tout déraille et je suis fatigué de cela, fatigué de devoir me justifier auprès de mon homme alors que je n'ai rien fait, fatigué de prendre un coup si un autre m'a regardé avec insistance pendant la soirée...et cela même si moi je n'ai pas du tout calculé le type en question. Lorsque, réagissant à ma phrase d'accueil, Rhys me dit qu'il s'en allait si je n'étais pas heureux de le voir, sans que je puisse me retenir, je lui pris le bras et m'écriais.

- Non !

Non, je ne voulais pas qu'il parte, je voulais qu'il reste, je voulais qu'il...Seigneur, je voulais qu'il m'aide. Réalisant que ma réaction pouvait paraître excessive, je continuais à jouer le jeu, faisant passer cela pour un jeu d'acteur, j'en rajoutais donc une couche, mettant théâtralement ma main sur mon front.

- Non, ne pars point mon ami, mon frère, ne me laisse point dans ces dures extrémités où je suis réduit.

Puis reprenant une attitude normale, j'eus un sourire amusé.

- Je tentes l'oscar....tu crois que j'ai mes chances ?

La vérité était que cette peur de l'abandon je l'avais vraiment ressenti, mais je ne voulais pas qu'il s'en rende compte. Ensuite, j'étais allé chercher une tasse de café pour tous les deux. Lorsque Rhys me demanda si tout allait bien, je lui fis ma réponse habituelle et criais depuis la cuisine.

- Oui, pourquoi ça n'irait pas ?

Et puis il parla de Jeremy au moment même où je revenais dans le salon avec nos tasses. Mes mains se crispèrent à la mention de celui qui partageait ma vie. Ma voix se fit plus basse, un peu moins guillerette. Je posais la tasse de Rhys devant lui et m'installais en face de mon ami. Roucky, mon chien vint poser sa tête sur mes jambes en geignant, il voulait me consoler, lui non plus n'appréciait pas Jeremy pour ce qu'il me faisait. Je levais un regard triste vers mon ami.

- Non Rhys, Jeremy n'est pas là. Enfin, il est encore au travail et...ça tombe plutôt bien. Ecoute, je dois te parler de quelque chose..mais avant, jure-moi que quoi que je puisse te dire, tu ne jugeras pas trop durement et surtout, tu ne le répéteras à personne...et j'insiste bien là-dessus...à personne.

J'attendais que mon ami me donne sa parole et ensuite j'allais tout lui dire, je ne pouvais garder ça pour moi plus longtemps.